Vichama ou la plus ancienne représentation de crapaud au Pérou


La publication le 30 août dernier d'un article sur le site internet Arqueología del Perú révèle l'existence d'un haut-relief en argile représentant un amphibien anoure mis au jour sur le site archéologique de Vichama. Situé  sur le littoral péruvien, à proximité du village de Végueta (département de Lima), ce site appartient à l'ensemble culturel de la civilisation Caral. 

Cité de Caral, Province de Barranca. Photo : Gerencia Regional Desarrollo Económico

L'animal se trouve figuré à la base d'un édifice daté de la phase récente (entre 1 800 et 1 600 av. J-C.). Il est caractérisé par une tête placée à l'horizontale, une large bouche incisée, des yeux marqués mais non proéminents ainsi que des mains munies de 5 doigts orientés vers le sol. 

Crapaud, site de Vichama. Photo : Archeología del Perú, Programa Especial Arqueológico Caral-Supe.

De par leur physionomie et le nombre de doigts, les mains ont été attribuées à un caractère anthropomorphe.  Elles ne sont d'ailleurs pas sans évoquer les mains croisées rencontrées sur les murs du site archéologique de Kotosh, situé à quelques 300 km à l'intérieur des terres.  

Cette représentation d'amphibien est considérée comme la plus ancienne connue au Pérou, et témoignerait du culte andin attribuant au crapaud un rôle de pourvoyeur de pluie et de fertilité.

Le positionnement de l'animal semble effectivement le faire émerger de l'édifice, voire du sol au niveau duquel il est placé. Cette attitude rappelle le comportement des crapauds qui s'enterrent dans le sol en période de chaleur et qui réapparaissent à la saison humide, opérant ainsi une résurrection visuelle et symbolique.

L'article évoque également l'hypothèse selon laquelle cette représentation serait à mettre en relation avec la "grande quantité de squelettes de crapauds situés dans une pyramide proche". Peut-être s'agit-il des marques tangibles d'un ancien culte dédié à la fertilité dans lequel seraient intervenus des animaux vivants, crapauds et grenouilles ayant été par le passé utilisés de diverses manières lors de rites d'appel des pluies ou de croissance agricole.    

L'économie de détails parle en faveur d'un symbolisme marqué essentiellement par la présence de l'animal et le choix de son positionnement sur l'édifice. Ceci étant, la représentation est suffisamment explicite pour identifier un amphibien.

A titre de simples comparaisons iconographique et culturelle, remarquons la position horizontale ainsi que les 5 doigts présents également sur l'amphibien anoure d'une céramique de culture Mississipian (1 100-1 400 apr. J.-C.), et la stylisation obtenue par la tête et la réduction des pattes de deux amphibiens placés aux départs de l'anse d'une céramique de culture Chimú (env. 1 100-1 470 apr. J.-C.).

Culture Mississipian, USA. Photo : The Metropolitan Museum of Art, New York.
Culture Chimú, Pérou. Photo : Museo Larco, Lima.

Le crapaud du site de Vichama apporte un témoignage supplémentaire sur l'ampleur du symbolisme attribué aux amphibiens anoures dans les cultures précolombiennes du Pérou, en documentant notamment l'ancienneté des valeurs sociales associées à ces animaux. Une découverte qui me réjouit bien entendu !

Grenouillement vôtre,
Sandra

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